Animaux domestiques et véganisme ?

Lorsque le sujet du véganisme est abordé, une question revient souvent : « Tu as des animaux ? Mais ce n’est pas végane ! »
Cette question montre que le véganisme est souvent bien mal compris.

Domestication

Animal Domestication Timeline
Ligne de temps approximative de la domestication des animaux (basée sur l’archéologie)

Domestication : Transformation d’une espèce sauvage en espèce soumise à une exploitation par l’homme, en vue de lui fournir des produits ou des services ; fait d’être domestique. Définition du dictionnaire Larousse

La domestication d’un animal sauvage ne laisse pas de doute (au regard de la définition de ce mot) quant à son incompatibilité avec une éthique végane (exception faite de la domestication d’un animal sauvage dans le but de lui sauver la vie – exemple : un petit dont la mère a été tuée). On peut aussi légitimement se poser la question de la compatibilité du véganisme, avec le fait d’avoir sous son toit un animal domestique. Le véganisme est un engagement politique et moral, qui remet en question notre rapport aux animaux, en refusant l’exploitation et le meurtre de ces derniers (voir définition).

Décider d’avoir un animal chez soi relève-t-il de l’exploitation ? Tout dépend du contexte… Être végane, c’est aussi se poser des questions, ne pas prendre les choses pour acquises sous prétexte qu’elles sont habituelles ou culturelles.

« Avoir des animaux »
Tout d’abord la phrase ci-dessus peut être lue de différentes façons. « Avoir des animaux » les posséder n’est bien sûr pas du tout dans l’éthique du véganisme dont le but est justement que l’on ne puisse plus posséder un être sentient. Cependant la loi actuelle (en France et dans de nombreux pays) nous impose de déclarer qu’un animal nous appartient, pour pouvoir au mieux défendre ses intérêts par la suite.
Mais en dehors du cadre législatif, « avoir des animaux » peut aussi être compris comme « avoir des amis » ou « avoir une famille ». Ce ne sont pas des personnes que l’on possède, mais simplement des proches.

I don't feel superior because I'm vegan. The truth is I am vegan because I don't feel superior to others.
Je ne me sens pas supérieur parce que je suis végane. La vérité c’est que je suis végane parce que je ne me sens pas supérieur aux autres. Michèle McCowan

Le véganisme n’est pas un refus de l’animalité ou de tout lien des humains avec les animaux (contrairement à ce qu’aiment affirmer nos détracteurs, ne sachant plus quel argument philosophique utiliser pour justifier leur mode de vie). C’est au contraire une prise de conscience de la situation actuelle du rapport humain/animal et de notre statut par rapport aux autres habitants de la planète. Nous ne sommes pas supérieurs mais nous sommes différents. Cette différence ne justifie pas que nous exploitions les autres pour satisfaire nos intérêts ou en tirer profit.
Le véganisme consiste également à prendre en compte les intérêts des animaux non-humains.
Certaines espèces ont été domestiquées depuis longtemps, leur reproduction et donc leur évolution a été modelée par l’homme. Les chiens et les chats en font partie, ainsi que de nombreuses espèces et individus, qui ne sont plus aptes à subsister dans un milieu sauvage.
En quoi serait-il éthique de les laisser à leur sort ? En quoi cela servirait-il leurs intérêts ?
Devenir végane ce n’est pas nier ce que l’humanité a fait à ces animaux, chiens, chats, etc. C’est au contraire essayer d’aider ceux qui sont déjà là, à avoir une vie agréable, et limiter la reproduction des animaux qui dépendent de l’homme pour subsister. Si nous avons des affinités avec certaines espèces et la capacité matérielle et financière de les accueillir, nous pouvons le faire par l’adoption.

 

Il faut donc d’abord se poser la question de la possibilité d’accueillir un animal chez soi.
Pourquoi je le fais ? Quelle place et combien de temps je peux accorder à cet animal ? Est-ce que j’ai suffisamment d’énergie pour m’en occuper ? Est-ce que j’en ai les moyens financiers ? Comment faire si je dois partir en vacances ? Comment vais-je lui inculquer de manière éthique les règles nécessaires à la vie à la maison ?…etc
Une fois que l’on a répondu en détails à ces questions, on peut se poser la question de l’espèce que l’on souhaite accueillir, un chat n’a pas les mêmes besoins qu’un chien, par exemple. Il faut aussi privilégier bien sûr une espèce puis un individu avec lequel on ressent une affinité.

Quelle race ?
Quand on parle d’animal, le terme de race renvoie à un univers très mercantile, où l’individu est réduit à sa « race » comme un produit à sa marque.
L’homme a sélectionné les animaux domestiques pour qu’ils se distinguent les uns des autres, d’abord dans un but utilitaire (chiens de chasse, de garde, de troupeau, …etc.) puis dans un but esthétique et de compagnie. Cette sélection s’est accrue depuis une centaine d’années, elle a atteint un stade où certains traits sont tellement exagérés, qu’ils deviennent un handicap pour l’animal.
Ainsi les bulldogs anglais ne peuvent plus accoucher naturellement, la tête des petits étant trop grosse, une césarienne est obligatoire.
Les museaux de certains chien (carlins, boxers…) ont rétrécis, occasionnant des problèmes respiratoires très fréquents.
La faible richesse génétique induite par les éleveurs pour obtenir certaines caractéristiques esthétiques a conduit également à des tares génétiques chez certaines races, ainsi les bergers allemands sont sujets à une dysplasie de la hanche très fréquente, et bien d’autres races sont prédisposées à souffrir de certaines pathologies (voir la vidéo ci-dessous).

Comme la société, l’éducation, et la culture nous ont donnés un certain goût pour la viande et les produits d’origine animale, ils ont aussi créé l’envie d’avoir un animal d’une race particulière. On a souvent imaginé, parfois depuis des années, à quoi il/elle allait ressembler, comment serait son caractère. Ce choix est souvent la projection d’une partie de nous-même, existante ou fantasmée.

Même si certains traits de personnalités ont tendance à se retrouver chez certaines races, ils sont surtout propres à l’individu, à son vécu, son éducation.

Il faut savoir lâcher prise sur l’apparence, sur ce que l’on veut qu’il soit, et accueillir l’animal tel qu’il est.

Ce qui est important de prendre en compte cependant, ce sont le caractère et les besoins de l’animal, en fonction de ce que l’on peut lui apporter : un chien calme pourra plus facilement vivre dans un appartement en ville, tandis qu’un chien dynamique aura davantage besoin d’un jardin (et de sorties à l’extérieur dans tous les cas).

Et maintenant autre question cruciale, où chercher cet animal ?
Le point sur les élevages professionnels ou amateurs : les éleveurs sont des personnes qui gagnent de l’argent en choisissant quels animaux se reproduiront entre eux, pour ensuite vendre leurs petits afin de gagner leur vie ou arrondir les fins de mois. Ce sont des vendeurs avant tout, et l’animal est donc leur marchandise. Nous ne débattrons pas ici du fait qu’ils aiment leurs animaux ou non, ni du fait qu’ils tentent ou pas de sélectionner les acheteurs, là n’est pas la question, il y a toujours pire et « moins pire ». Quoi qu’il arrive c’est une exploitation de l’animal, une vente d’un être vivant et sentient ; aggravée par le fait qu’en France et dans de nombreux pays, il y a plus de chiens abandonnés que de personnes sérieuses prêtes à les adopter. Les refuges sont pleins. Acheter un animal à un éleveur ou à un particulier qui fait des portées, c’est donc participer au système disant qu’un animal est un bien meuble pouvant s’acheter, ou s’échanger.

Si vous arrêtez d’acheter, ils arrêtent de « produire »

Photo animalerie

Quand aux animaleries, les chiots et chatons viennent pour une bonne partie d’élevages à l’étranger, dans des conditions terribles (pays de l’Est en général). Ils transitent souvent par plusieurs pays afin de modifier leurs papiers d’identité, et leur date de naissance (ils n’ont souvent pas l’âge légal de vente). Ceux qui survivent au voyage, sont vendus aux animaleries. Ces chiots passeront plusieurs semaines/mois derrière une vitre, sans leur mère pour les éduquer, souffrant de la chaleur, de solitude, et de conditions sanitaires parfois douteuses. Il est compréhensible d’avoir envie de les sauver en les achetant. Mais en les achetant, vous donnez à l’animalerie l’argent pour continuer ce commerce, et un autre chiot arrivera bien vite pour remplacer celui que vous avez acheté. De plus ces chiots qui n’ont pas été sociabilisés, ni par leur mère, ni par d’autres chiens adultes, ou même par des humains, auront souvent de graves problèmes de comportement : malpropreté persistante, pas de contrôle de la morsure, stress, anxiété, maladies (dans beaucoup d’animaleries les animaux malades ne sont pas soignés car ce n’est pas rentable). En voulant faire une bonne action, vous encouragez les animaleries à continuer et vous risquez de gros problèmes avec l’animal par la suite. Le trafic d’animaux est le troisième au monde, après les armes et la drogue. La Californie a interdit aux animaleries la vente d’animaux issus de l’élevage, comme de nombreuses villes aux États-Unis, souhaitons que la France adopte également cette mesure.

1 animal acheté = 1 animal qui ne sera pas adopté en refuge = 1 place en moins pour un potentiel nouvel arrivant au refuge

Chien grillageAcheter un animal c’est donc aussi indirectement condamner un animal d’un refuge à l’euthanasie faute d’adoptant. Des millions d’animaux en bonne santé sont ainsi euthanasiés chaque année dans les refuges, faute de place. (Les chiffres sont difficiles à obtenir. Concernant la France, ce document de 2016 mentionne 2% de chiens et 3% de chats en bonne santé euthanasiés en refuge, ailleurs on parle de 50 000 en 2009)

Dans les refuges et associations, vous pourrez trouver un animal qui correspondra à votre mode de vie, votre caractère, vous connaîtrez ses ententes avec les autres animaux. Certains sont même dans des familles d’accueil, qui connaissent donc très bien le caractère de l’animal qu’elles hébergent momentanément (en les adoptant vous libérerez ainsi une place pour un autre animal). Il y a des animaux de tous âges et de toutes tailles, certaines associations en font même venir d’autres pays (Roumanie, Serbie …etc.) où les conditions de vie en refuge sont terribles, et où ils n’ont aucune chance d’être adoptés. Selon votre expérience et votre disponibilité, vous pourrez sauver un animal qui a eu des problèmes dans son passé, ou en adopter un déjà bien éduqué et adapté à une vie en famille.

Vous paierez un prix, mais ce prix comprend l’identification, souvent la stérilisation, et une partie comprenant les frais du refuges (alimentation, entretien, soins vétos, salariés éventuels …etc). Cet argent a simplement pour but de permettre aux refuges de continuer à recueillir des animaux abandonnés. Pas à entretenir un commerce.

Être végane c’est rejeter l’idée que l’animal est une marchandise qui peut se vendre et s’acheter, quel que soit le but final. Adopter un animal abandonné plutôt que l’acheter à une personne qui en fait le commerce, c’est donc bien le minimum que l’on puisse faire, concernant la question des animaux domestiques. Et même pour ceux n’ayant pas encore franchi le cap du véganisme, c’est un pas facile vers une meilleure prise en compte des intérêts des animaux.

Et dans un monde végane, que deviendront ces animaux ?
Dans un monde végane, certains retourneront peut-être à l’état sauvage, d’autres rechercheront toujours notre compagnie. Des philosophes ont tenté d’aborder ce point dans l’ouvrage « Zoopolis » de Sue Donaldson et Will Kymlicka. Nous conseillons également la lecture de « Introduction à Zoopolis », de Estiva Reus, plus court et plus accessible, qui est en lecture libre sur le site des Cahiers Antispécistes. Pour l’instant l’urgence est de réduire la souffrance de ces animaux dits de compagnie, en luttant contre la surpopulation par la stérilisation et en adoptant en refuges ou dans des associations.

En conclusion : Oui le véganisme est compatible avec le fait de recueillir des animaux abandonnés et déjà domestiqués, à condition de ne pas participer au commerce de l’élevage, de stériliser pour éviter d’augmenter la surpopulation, d’essayer de donner une vie agréable aux animaux qui vivent avec nous, et une alimentation qui ne nuise pas à d’autres espèces, quand cela est possible.